Sujet: Ecorchure Ven 31 Oct - 1:16 |
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Il reste les vivants Le souvenir de ceux qui sont partis Les regrets aussi Mais ils ne servent à rien. Et puis… et puis il y a le temps qui écrase les épaules Brutalement Je me sens si vieux Ce soir.
Je me souviens de ces napperons que tu fabriquais, ces dentelles que tu modelais avec tes doigts usés, tordus comme des tours de Pise. Le temps n’épargne rien, il ne laisse aux souvenirs que ces dentelles, les trous qui ne racontent plus les histoires d’avant, des trous de souvenir dans l’histoire, des ratures sur les cahiers d’écolier. Je cherche au fond de ma mémoire et je n’y retrouve que ces dentelles belles et habilement sculptées, malgré tes doigts usés.
De ces histoires d’hier, il reste les odeurs et les bruits, des trous dans le tissu, un napperon de souvenirs. Chaque odeur est un souvenir de toi, chaque bruit une raison de ne pas t’oublier. Confiture de châtaigne et crème au chocolat, je n’ai jamais retrouvé ce goût que tu savais leur donner. Un mur chaud contre lequel je me blottissais. Derrière le mur, une cuisinière à charbon. Je crois que si j’aimais autant la chaleur de la cuisinière c’est parce que c’est toi qui la garnissais de charbon, parce que tu étais derrière ce mur et que tu rangeais les restes du repas. Parce que ces bruits de vaisselles et de charbon, ils tenaient chaud là où le mur lui, se taisait tristement.
Je n’ai jamais aimé ta maison, aujourd’hui je peux l’avouer, je peux te le dire sans tricher, mais j’ai aimé ses bruits, ses odeurs, parce qu’ils étaient les tiens.
Tu n’étais pas riche, mais tu m’as donné bien plus que la richesse, tu m’as offert l’amour d’une mère, celui que je n’ai jamais eu, celui que tu es la seule à m’avoir fait découvrir. Par toi, j’ai connu cet amour. Je me souviens de ce baiser tendre apposé au passage, sans raison, comme ça, juste pour le plaisir de donner un peu de toi. Ce matin là je ne l’ai jamais oublié.
Je me souviens de cette gifle. J’avais du t’en faire voir des sales couleurs pour que toi, si juste et si douce, tu réussisses l’exploit de me gifler. Cette gifle, je ne l’ai pas oublié non plus. Non, je la garde bien au chaud dans ma tête, tendrement posée sur une étagère où j'expose les choses à ne pas oublier. Maintenant, je peux te le dire, je n’ai rien senti. Tu n’y as mis aucune conviction, aucune force, elle était molle ta gifle !, comme une caresse déguisée. Tu n’aurais jamais pu me faire mal toi, je l'ai toujours su.
Pardon, pardon de ne pas arriver à faire chanter mes mots, et ces phrases qui restent mornes et sans croustillants. Je n’y arrive pas. Si j'écris c'est parce qu'il le faut pour moi, des mots impudiques et nécessaires.
Je suis un peu triste, mais pas assez je crois. Je ne suis plus jamais retourné te voir, je n’ai pas pu. Je n’ai pas trouver ce courage de faire le chemin pour te voir, pour voir ton corps malade, trop vieux, tes yeux qui ne souriaient plus et tes mains vrillées qui ne fabriquaient plus de napperon. Je n’ai pas pu, non. Je suis cet égoïste qui a voulu garder le meilleur, le souvenir de toi, belle et vigoureuse, généreuse et dévouée aux autres. Tu m’auras appris ce qu’une mère pouvait être, et moi j’ai fui l’insupportable spectacle du temps qui abime les gens. J’ai refusé de voir ta peau flétrir, tes yeux qui ne voyaient plus, ton corps allongé sur un lit et ta démarche accrochée à une machine froide et triste. J’ai manqué de courage. Tu vois, je ne suis pas comme toi.
Enfin… enfin, les larmes coulent sur ma joue. Cette joue qui restera la tienne, celle où tu m’as montré ce que devrait être une mère.
Je ne t’ai jamais dit « je t’aime », on ne m’a pas appris. Maintenant, c’est un peu tard mais si là haut, il existe quelque chose de grand, et si les foutaises qu'on dit à d'église ont un sens, alors, toi qui a prié chaque jour pour les autres, reçois ces mots que j’ai mis longtemps à reconnaître, ces mots que j’ai appris mais... que j'ai encore bien du mal à prononcer.
Adessias
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Arlequin
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