Sujet: [Regrets éternels] Ven 17 Avr - 12:38 |
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Doucement, à petit pas, elle traversait le cimetière.
Il ne faisait ni jour, ni nuit, les réverbères étaient allumés mais la lumière qu'ils diffusaient ne dessinait pas sur le sol un cercle lumineux. Il faisait gris, sombre. Le soleil absent, revendiquait tout de même sa présence, effacé derrière les monceaux de nuage dans le ciel. On avait posé sur le monde, un voile transparent, qui affinait les impuretés, noircissait le bonheur, lissait la vie, étouffait les cris. Les cyprès de leur corps longs et verdâtres déchiraient l'étoffe de coton pour imposer leur présence. Ils se balançaient au rythme du vent d'ouest, égrainant dans leur danse un sifflement anodin. Leurs corps de contorsionnistes pliaient sous le souffle parfois violent, et luttaient avec prestance contre la légèreté d'une aspiration. Ceux qui les auraient cru faibles, ce serait trompés, ils avaient pour eux la sagesse immobile, l'infini respiration, l'oxygène en suspension. Ils étaient vivants, pas elle. Le froid ne la faisait pas frissoner pourtant elle était nue. Complètement. Sa peau blanche, rougie par endroits sous les débauches du soleil, se laissait caresser par l'air froid d'un été manqué. Ses lèvres bleuissaient presque, ses yeux fixaient un point à l'horizon, par delà la vie, par delà la réalité. On aurait dit qu'elle rêvait, il n'en était rien. Elle tentait vainement de comprendre l'incompréhensible, d'encaisser le lourd tribut du temps qui passe, d'aimer celui dont le doux sourire lui échappait, d'avancer un peu plus loin.
Le mur gris lui faisait face, elle marchait vers lui.
Son coeur ralentissait doucement ses battements. Ils s'éteignaient comme si il sentait l'hibernation proche. Elle avait bien assez de réserves pour passer le restant de sa vie entre vie et mort, en attente d'un prochain départ, d'un printemps. Son ventre arborait des bourrelets ronds, jolis presque, qui s'étageaient en cascade de la courbure de ses seins à son bas-ventre. Ses épaules s'affaissaient légèrement et ses bras se balançaient en rythme le long de ses hanches, à chacun de ses pas. Le vent avait arrêté de souffler, il semblait attendre l'instant où elle s'endormirait, pour lui chanter en silence, la dernière berceuse de son enfance. Elle le remercia dans un murmure de lui accorder un répit, de laisser le temps au temps.
Un sourire se dessinait sur ses lèvres, tandis que brusquement des larmes se mirent à couler sur ses joues. De fines gouttes salées qui striaient son regard bleu illusoire et finissaient leur course à la commissure de ses lèvres ou au creux de son cou, laissant une trace humide de leur passage furtif. L'éphémère vie la prit à la gorge, elle la repoussa bien loin. Elle n'était pas triste, elle n'étais pas joyeuse, ni heureuse, ni malheureuse, pas non plus morose ou mélancolique, comme elle avait si souvent pu l'être. Non, elle prenait juste conscience que ses espoirs étaient vains sans doute, que sa vie n'avait aucun sens, que son âme ne demandait qu'à fuir. Mais elle aimait sa vie, vivait de ses espoirs, et espérait garder son âme, encore longtemps, toujours, qui sait... Elle savait aussi qu'elle mourrait, que ses espoirs la tueraient, et que son âme s'éteindrait. Quand? Pourquoi pas aujourd'hui?
Le vent repris sa course interminable, soufflant dans ses cheveux au point qu'elle ne voit plus la tombe qui s'ouvrait devant elle. Elle y tomba, dans un bruit sourd, d'os brisés, de nerfs éclatés, de tendons déchirés. Son âme s'envola, son cœur s'éteint, ses espoirs s'embrasèrent. Et tandis que le fossoyeur faisait tranquillement son travail, déversant sur elle par pelletées, la terre meuble et brune, elle versa sa dernière larme. Sa vie s'éloignait, ne restait que les regrets. Regret de n'avoir su percer le voile gris, de ne pas avoir su éclairer son monde, et celui des autres.
Regrets éternels...
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Piping
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